« T’es encore jeune, ça viendra »

 

Aaah, la fameuse horloge biologique UnIVeRseLLe qui sonne comme un coucou à l’aube de notre trentaine… Ou pas : Célia et Ibelle ne l’ont jamais ressentie. « Petit rappel qu’il n’y a rien qui prouve qu’il existe un instinct maternel inné » ajoute Bettina. Anne, « cas assez complexe » était plutôt partante pour des enfants dans sa jeunesse, mais s'est aperçue en grandissant que ça ne matchait pas forcément avec sa vie. Sans rejeter radicalement l’idée, elle ne l’a pas considéré comme une condition obligée à son bonheur : « c’était pas un truc vital, je me suis épanouie autrement ».

 

 

« Tu vas le regretter »

 

Un verdict digne d’une prophétie apocalyptique… et apparemment très bullshit : « Je peux te garantir que je n’ai aucun regret » s’amuse Ibelle. Célia abonde, pas affligée : « C’est super, on peut sortir comme on veut et on est libre de notre emploi du temps ! Je crois que le seul truc dommage, c’est de ne pas se faire de parents potes en allant chercher les enfants à l’école ». Du côté d’Anne, « le seul truc que je regrette, c’est le fait de ne pas avoir expérimenté la grossesse, voir un être vivant se développer en soi. La nature est tellement bien faite ! ».

Pour Bettina, c’est une approche très zen : « Je suis tellement alignée avec mes désirs, j’ai vraiment aucun regret. Et de manière très rationnelle, je préfèrerais regretter de n’avoir jamais fait d'enfant que regretter d’en avoir fait un ». Amen.

 

 

« T’as pas encore trouvé le bon »

 

En plus d’assigner son interlocutrice à l’hétérosexualité, je crois que cette théorie a du plomb dans l’aile : si c’est un projet qui se construit souvent à deux, je vois mal comment l’apparition d’un homme pourrait systématiquement bouleverser 20 ans de ressentis. Célia confirme : « Avec mon compagnon on s’est rencontrés à 22 ans, et je n’ai jamais changé d’avis sur ça ». Ibelle a même stoppé une relation amoureuse en pleine trentaine parce que son partenaire voulait un enfant.

 

Clairement, il n’y a pas beaucoup de lien avec un déclic amoureux. Dans le cas d’Anne, qui évitait plutôt les relations - « il y avait une volonté de pas m’attacher, mes histoires duraient trois mois et je partais la plupart du temps » -, elle s’est demandé si elle aimerait faire un·e enfant seule. Après réflexion, elle n’en a pas ressenti le besoin. Bettina résume : « Je réponds souvent que justement, la bonne personne pour moi, ce sera une personne childfree aussi » .

 

 

« T’as pas peur de vieillir seule ? »

 

J’avoue que l’idée de créer un·e humain·e pour avoir de la compagnie à 70 piges me laisse bouche bée… Et je ne suis pas la seule : « Ça, c’est vraiment l’argument complètement con » tranche Anne. Ibelle explose de rire et lance « Se taper autant d’années de problèmes pour le jour où tu vas avoir besoin d’un enfant qui sera ou pas présent, franchement non. Je suis extrêmement bien dans ma vie seule, qui est tout sauf une vie solitaire ».

Même scepticisme du côté de Célia et de Bettina, qui y voit « un manque d’imagination cruel sur notre imaginaire des relations humaines. On s’est tellement enfermé·es dans la famille nucléaire en vivant à deux ou avec deux enfants qu’on s’est coupé·es des interactions avec les autres ». S’il y a en effet isolement des personnes âgées, c’est surtout une revalorisation des amours amicales et un financement correct des EPHAD qui feront bouger les choses.

 

 

« C’est un truc de meuf carriériste »

 

A titre perso, je suis à fond dans mon taff, mais ça n’a rien à voir avec mon non-désir d’enfant. J’ai l’impression que ce cliché est surtout une incitation capitaliste à compenser notre “manque” de productivité sociétale, sous-entendu le fait de ne pas fournir d’enfant à la société. Bettina y voit une réduction sexiste ultra binaire : « Y’a une idée qui revient souvent : soit c’est des personnes hyper carriéristes, soit elles ont une vie sexuelle archi débridée, comme en opposition à la mère de famille qui serait hyper chaste. Moi je suis pas du tout carriériste, je suis hyper critique de notre société et de cette idée que si tu ne travailles pas dans le système t’es un peu une merde ».

 

Ibelle qualifie son travail de cool, et Célia, si elle y consacre pas mal de temps, ne se trouve pas hyper carriériste. Anne lie cette idée au fait qu’on n’accompagne absolument pas les mères, qui se farcissent une grosse partie du travail parental tout en voulant bosser : « On a encore des progrès à faire sur le cliché du mec qui a une plus grosse carrière et qu’il faut mettre celle de la femme de côté » .

En résumé, il n’y a pas de profil type de la meuf childfree. Chacune a ses raisons de ne pas avoir d’enfant, du rejet politique de la maternité à la simple absence de désir. Ajoutez à ça l’éco anxiété : j’ai eu droit à quatre remarques sur l’état du monde.

 

En fait, de ce que disent Anne, Celia, Ibelle et Bettina, le plus relou quand on est childfree, c’est le jugement des autres. « Aujourd’hui ça n’est plus du tout un problème, mais à une époque c’était pénible d’être la sans enfant ou célibataire de service, ça faisait regretter de pas être un peu plus dans le moule. Puis à un moment, je me suis dit mais fuck, je fais ce que je veux ! » raconte Anne.

 

« Je n’ai jamais eu de soucis dans mon cercle, mais j’ai une collègue childfree qui a dégusté avec sa famille… » déplore Célia. Bettina confirme : « Je vois bien par les témoignages que je reçois parfois : des ruptures familiales, amicales, professionnelles ou amoureuses à cause de ce désir de pas avoir d’enfant, c’est hallucinant ». À une époque où le corps des femmes est encore un enjeu de pouvoir et où des dangereux réacs croient qu’ils peuvent nous dicter ce qu’on en fait #coucoulesUSA, c’est essentiel d’écouter et de respecter nos volontés. Et de rappeler que pour toujours, c’est nos corps, nos choix.
 

Claire Roussel